• Deux remords de Claude Monet - Michel Bernard - Ils couraient dans le champ découvert, sur l’herbe rase et dure que les morts engraisseraient au printemps. Frédéric encourageait ses hommes de la voix. Lui n’entendait que la tambourinade de la course sur le sol gelé et le halètement des poitrines, surtout la sienne. Le souffle de son effort, pressé par l’angoisse et l’excitation, aiguisé par le froid, était presque douloureux. Parvenus à deux cents mètres du cimetière environ, ils entendirent les commandements hurlés par les officiers prussiens et, aussitôt, le bruit de la salve. Elle crépita pendant quelques secondes, dans un grandissant nuage de fumée. Lorsqu’il se dissipa, Frédéric regarda autour de lui. Ce qui était un instant auparavant une ligne d’assaut progressant comme à l’exercice, neuve, vigoureuse et pleine d’élan, était maintenant une foule confuse, déchirée, tournoyant sur elle-même. Elle était pleine de trous, vastes comme des clairières jonchées de tas de chiffons pourpres et marine. Le bruit de la fusillade avait été suivi d’un soudain silence, une sorte de stupeur. Puis les cris des blessés avaient rempli l’air de jurons, d’imprécations, d’appels, de plaintes. La force, la cohésion et la jeunesse, deux battements de cœur après, la solitude et la détresse.

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  • Il veut que les couleurs se frottent, se griffent, se révèrent, se maudissent, s'injurient, s'élèvent et s'écrasent jusqu'à livrer, balbutiantes, leur bonheur cicatriciel.

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  • Le miroir aux alouettes - Michel Onfray -Si le libéralisme existe, c’est parce qu’on y consent ; si le capitalisme fait la loi, c’est parce qu’on le veut bien ; si le consumérisme ravage la société, c’est parce qu’on fait ce qu’il faut pour ; si la pollution détruit la planète, c’est parce qu’on s’y évertue ; si la télévision nous abrutit, c’est parce qu’on la regarde ; si nos politiciens nous trahissent, c’est parce qu’on les laisse faire ; si les journalistes endoctrinent, c’est parce qu’on les croit naïvement ; si leurs journaux existent encore, c’est parce qu’on les achète ; si l’inculture progresse, c’est parce qu’on ne se cultive pas ; si la bêtise occupe toute la place, c’est qu’on la lui laisse ; si les menteurs sont au pouvoir, c’est parce qu’on les y porte et qu’on les élit ; si les cyniques nous gouvernent, c’est parce qu’on se laisse gouverner ; si l’alimentation industrielle fait proliférer les cancers, c’est parce qu’on ne la boycotte pas ; en un mot : si le mal triomphe, c’est parce qu’on le laisse faire et qu’on ne fait pas le bien. Le capitalisme libéral a les socialistes dans la poche, et il se moque des révolutionnaires en peau de lapin ; mais il ne craint rien tant que le boycott de ses produits.

    Pacifiste et pacifique, la révolution anarchiste à laquelle j’aspire est faite de rébellion et d’insoumission, de révolte et de résistance, d’insubordination et de refus, d’indocilité et de dissipation. Elle suppose que, dans les termes de l’alternative posée par Descartes, « se changer ou changer l’ordre du monde », on comprenne que se changer, c’est aussi changer l’ordre du monde. Qui voudra pourra.

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  • Amour monstre - Katherine Dunn -

     C'est une chose cruelle pour les jeunes que de voir l'affreuse innocence dans laquelle les adultes sombrent avec l'âge, la terrible vulnérabilité qu'il convient de protéger du bourbier corrosif de l'enfance.

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  • Ça fait cinq ans que je n'ai pas pris l'air. Ma cellule fait quatre pas de long et deux bras écartés de large. Si je me mets sur la pointe des pieds, je touche le plafond. C'est un espace à échelle humaine. A mon échelle.

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