• Deux remords de Claude Monet - Michel Bernard -

    Deux remords de Claude Monet - Michel Bernard - Ils couraient dans le champ découvert, sur l’herbe rase et dure que les morts engraisseraient au printemps. Frédéric encourageait ses hommes de la voix. Lui n’entendait que la tambourinade de la course sur le sol gelé et le halètement des poitrines, surtout la sienne. Le souffle de son effort, pressé par l’angoisse et l’excitation, aiguisé par le froid, était presque douloureux. Parvenus à deux cents mètres du cimetière environ, ils entendirent les commandements hurlés par les officiers prussiens et, aussitôt, le bruit de la salve. Elle crépita pendant quelques secondes, dans un grandissant nuage de fumée. Lorsqu’il se dissipa, Frédéric regarda autour de lui. Ce qui était un instant auparavant une ligne d’assaut progressant comme à l’exercice, neuve, vigoureuse et pleine d’élan, était maintenant une foule confuse, déchirée, tournoyant sur elle-même. Elle était pleine de trous, vastes comme des clairières jonchées de tas de chiffons pourpres et marine. Le bruit de la fusillade avait été suivi d’un soudain silence, une sorte de stupeur. Puis les cris des blessés avaient rempli l’air de jurons, d’imprécations, d’appels, de plaintes. La force, la cohésion et la jeunesse, deux battements de cœur après, la solitude et la détresse.

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