• La Fabrique de papier tue-mouches - Andrzej Bart -Andrzej Bart imagine dans la fabrique de papier tue-mouches le jugement posthume de Chaïm Rumkowski. Durant la seconde guerre mondiale, celui-ci s'est vu confier par les allemands la direction du Ghetto de Lodz. Jusqu'au jour où il a fallu décider qui envoyer dans les camps de la mort. Les enfants, les malades ? Les non-productifs ? Aurait-il dû refuser d'assumer cette sélection et laisser faire les bourreaux ou le fait de choisir parmi les siens, pouvait-il permettre de sauver ceux qui méritait de l'être ? Mais qui était-il pour en juger ?!

    "Vous avez bien voulu dire qu'ils ont de toute façon été assassinés, mais un peu plus tard (...). Cet "un peu plus tard", chère madame, c'est quand même de la vie. (...) C'est pourquoi je voudrais savoir si, pour vous, cela fait une différence de vivre un peu plus ou un peu moins longtemps."

    Là est toute la question. Bourreau ou Sauveur, les avis vont s'affronter et les sacrifiés vont les uns après les autres demander des comptes, relater, expliquer ou tout simplement être là...
    Au milieu de tout cela, l'auteur est mandaté, un peu comme un témoin, un porteur de mémoire ou tout simplement un vivant du futur à qui l'on permet d'assister à un procès d'un nouveau genre.

    Cette problématique est intrigante et porteuse de questionnements multiples : qui sommes-nous pour juger ? Nous qui avons l'avantage de savoir comment les événements ont tournés. Si le Ghetto n'avait pas été décimé et si quelques milliers avaient survécu, qu'aurait retenu l'Histoire et l'opinion publique de cet homme ? Quel est l'intérêt de ce procès posthume ? Un procès pour la mémoire ? la recherche de la vérité, de la culpabilité ?
    J'ai aimé tous ces développements, mais parfois l'auteur m'a perdue dans des brumes un peu trop fantasmagoriques à mon goût, où je n'arrivai plus bien à discerner où il voulait en venir. J'errai parfois dans ce récit comme le narrateur avec Dora dans cette ville, où les morts et les vivants ne se croisent...

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    4ème de couv :

    Ghetto de Łódź, 1939. Les autorités nazies placent à la tête du Conseil juif un ancien directeur d’orphelinat. Chaïm Rumkowski. Bientôt, il transforme le ghetto en un véritable complexe industriel, convaincu que la productivité des Juifs assurera leur survie.
    En 1942, les Nazis veulent déporter 20000 enfants. Rumkowski, dans le désir de sauver ce qui peut l’être, prononce son fameux discours Donnez-moi vos enfants.

    Un homme mystérieux demande à un écrivain polonais contemporain d’assister à un étrange procès, celui de Rumkowski, à Łódź.

    Entre réalité et fantasmagorie, entre histoire et fiction, La fabrique de papier tue-mouches pose la question de l’autorité, de la stratégie du moindre mal, et, avant tout, questionne le lecteur sur ses propres convictions. Un roman dérangeant, une interrogation sur la responsabilité historique : le pouvoir, dans des conditions extrêmes, peut-il se transformer en pouvoir absolu ?

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  • Ostwald - Thomas Flahaut -La centrale nucléaire de Fessenheim est en feu. Un réacteur nucléaire brûle et c'est toute la population qu'on évacue. Avalé ses cachets d'iode et suivre la marche forcée des camions qui dirigent tout le monde vers des lieux de rétention, voilà ce qu'il reste à faire ! Mais Noël et son frère Felix ne l'entendent pas ainsi...

    Comment faire pour échapper à cette mise en quarantaine ? Comment fuir et pour aller où ? Que restera-t-il de cette ville ? et que fera l'Etat de tous ces gens ? Les deux frères n'attendent pas de savoir le sort qui leur sera réservé. Ils fuient. Du mieux qu'ils peuvent. Croisant ça et là des êtres aussi paumés qu'eux, ils décident de se lancer à la recherche de la femme dont ils sont tous les deux amoureux, comme une dernière quête. La seule peut-être digne d'être vécue...

    Bienvenue dans ce no-mans land où plus rien n'est à perdre, car tout est déjà perdu :

    Sur la plateforme, la foule des danseurs, liquide, une mer prenant son élan avant la tempête. Mais derrière la frénésie, les lumières des projecteurs laissent entrevoir des mines déconfites, des yeux fatigués qui ne regardent plus rien d'autres que le vide noir. Des bouches silencieuses, scellées par le goulot des bouteilles de vodka et de gin. Laisser venir l'ivresse et dans la tristesse moite de la nuit un semblant de bonheur. Ici, on fête la fin de quelque chose qu'on n'a pas envie de voir. 

    Un premier roman avec de belles idées et de beaux passages, qui reste prometteur, malgré quelques longueurs...

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    4ème de couv :

    " La secousse que j'ai ressentie la nuit dernière était un tremblement de terre. Les animations commentées par le présentateur du journal le montrent. Un point rose palpite sous la terre. De ce point partent des ondes roses qui font vaciller un cube gris posé à la surface, désigné par une flèche, et légendé. Centrale nucléaire de Fessenheim. "

    Évacués avec le reste de la population, Noël et son frère, Félix, se retrouvent dans un camp improvisé en pleine forêt, la forêt où ils se promenaient, enfants, avec leur père. C'était avant la fermeture de l'usine où celui-ci travaillait, avant le divorce des parents, et l'éclatement de la famille.

    Cette catastrophe marque, pour eux, le début d'une errance dans un paysage dévasté. Ils traversent l'Alsace déserte dans laquelle subsistent de rares présences, des clochards égarés, une horde de singes échappés d'un zoo, un homme qui délire...

    Ostwald est le récit de leur voyage, mais aussi du délitement des liens sociaux, et peut-être d'une certaine culture ouvrière. C'est la fin d'un modèle qui n'ayant plus de raison d'être ne peut être transmis : confrontés aux fantômes du passé, les deux frères doivent s'inventer un avenir. Peut-être est-ce la morale de ce roman en forme de fable.

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  • Civilizations - Laurent Binet - Je ne comptais pas rester sur un avis négatif concernant Laurent Binet (pour rappel La septième fonction du langage fut pour moi une grande déception). Alors, en lisant la quatrième de couv de Civilizations, je me suis dis "celui-là, il est pour moi !" Bien et mal m'en a pris... Bien, car je ne peux pas dire que je n'ai pas apprécié ce livre. L'idée est audacieuse et son développement original. Laurent Binet a su rendre le choc des civilisations : ces adorateurs du soleil déboulant à moitié ou totalement nus, en plein tremblement de terre de Lisbonne. Ces regards ébahis, choqués et ces signes de croix incessants à la vision de ces hommes et femmes dont les habitants ne savent s'ils sont envoyés de Dieu ou du Diable...Civilizations - Laurent Binet -

    Tout cela pour s'apercevoir que les civilisations se suivent et se ressemblent, malheureusement, pour le pire et le meilleur...

    Voilà pour l'idée et le contenu. Là où je suis plus mitigée, c'est sur le récit lui-même, je l'aurai souhaité plus vivant du début à la fin. Autant je suis rentrée d'emblée dans l'histoire, narrée comme un conte livré de longues années après : 

    je dis et j'affirme que ce qui est contenu dans ce livre est très véridique. Ce ne sont pas là de vieux contes et des histoires de Mochicas et de Chimus qui remontent à sept cents récoltes : c'est hier, peut-on dire, que se passèrent les événements qu'on peut lire dans cette histoire, avec le comme et le quand et la véritable manière.

    Autant la fin m'a laissée sur le bord du chemin. J'ai eu l'impression qu'il ne savait comment conclure ; je ne voyais pas bien où il voulait m'emmener... 

    Dommage ! Car certains passages sont jouissifs. Sous un air faussement naïf, on sent que Laurent Binet s'amuse...

    Ils étaient obsédés par l'endroit où ils iraient après leur mort, et du meilleur moyen d'être sauvés, c'est-à-dire d'aller au ciel rejoindre leur dieu cloué (qui pourtant devait revenir sur terre à une date indéterminée, si bien que Chalco Chimac pensait qu'ils risquaient de se croiser) et non sous la terre où l'on brûlait les morts indéfiniment, sauf dans un endroit transitoire d'où l'on pouvait sortir au bout d'un certain temps, mais sûrement pas en rachetant son séjour, de son vivant, avec des florins.

    Alors peut-être retourner aux sources et enfin lire HHhH ? Pourquoi pas ! 

    4ème de couv : 

    Vers l’an mille : la fille d’Erik le Rouge met cap au sud.
    1492 : Colomb ne découvre pas l’Amérique.
    1531 : les Incas envahissent l’Europe.

    À quelles conditions ce qui a été aurait-il pu ne pas être ?
    Il a manqué trois choses aux Indiens pour résister aux conquistadors. Donnez-leur le cheval, le fer, les anticorps, et toute l’histoire du monde est à refaire.

    Civilizations est le roman de cette hypothèse : Atahualpa débarque dans l’Europe de Charles Quint. Pour y trouver quoi ?
    L’Inquisition espagnole, la Réforme de Luther, le capitalisme naissant. Le prodige de l’imprimerie, et ses feuilles qui parlent. Des monarchies exténuées par leurs guerres sans fin, sous la menace constante des Turcs. Une mer infestée de pirates. Un continent déchiré par les querelles religieuses et dynastiques.
    Mais surtout, des populations brimées, affamées, au bord du soulèvement, juifs de Tolède, maures de Grenade, paysans allemands : des alliés.

    De Cuzco à Aix-la-Chapelle, et jusqu’à la bataille de Lépante, voici le récit de la mondialisation renversée, telle qu’au fond, il s’en fallut d’un rien pour qu’elle l’emporte, et devienne réalité.

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  • Le temps des orphelins - Laurent Sagalovitsch - Voilà un roman comme il y en a peu. Et pourtant, me répondrez-vous, que de livres ont été écrits sur la Shoah, les camps et la découverte de toute cette horreur par les alliés. Mais, dans le temps des orphelinsLaurent Sagalovitsch, apporte une vision différente. Il nous conte l'histoire de Daniel, ce jeune rabbin américain, qui fit le choix de s'engager pour libérer l'Europe de la barbarie nazie. Sans arme, il arpente les champs de bataille pour réciter les dernières prières aux soldats mourants ou déjà délivrés de leurs souffrances. Le Kaddish défile en boucle, des centaines, des milliers, à ne plus savoir... 

    Des plages de Normandie, à la libération des camps, il relate toute cette horreur à Ethel, sa jeune femme. jusqu'à ce que son chemin croise ce gamin famélique et mutique, égaré parmi tous ces morts en devenir... 

    Cette main, aujourd'hui encore, si je ferme les yeux, je peux la sentir, cette toute petite menotte qui se frottait à la mienne et la suppliait de l'accepter, de s'en saisir et de la réchauffer afin de former une union indestructible, capable de résister à tous les vents contraires. 

    Peut-on continuer à croire après la Shoah ? Que penser du silence des Dieux (de celui des chrétiens, des juifs, et de tous les autres, si tant est qu'il y en ait...) ? Voilà le thème principal de ce livre. Je vous laisse découvrir ce qu'il adviendra de la foi de Daniel...

    En refermant le temps des orphelins, je n'ai pu m'empêcher de penser à Marceline Loridan-Ivens qui dans une interview expliquait qu'elle ne pouvait plus croire en dieu, en sortant des camps. S'affirmer Juive, c'est faire fi de ce silence sans nom de ce Dieu tout puissant et aimant ; Se renier comme Juive, c'est prolonger le dessein d'Hitler en éradiquant, si ce n'est physiquement, la judéité.

    Je ne sais si elle a résolu ce dilemme. Cela lui appartient. Mais c'est vers elle, que mes pensées se sont tournées. 

    4ème de couv : 

    Avril 1945. Daniel, jeune rabbin venu d'Amérique, s'est engagé auprès des troupes alliées pour libérer l'Europe. En Allemagne, il est l'un des premiers à entrer dans les camps d'Ohrdruf et de Buchenwald et à y découvrir l'horreur absolue. Sa descente aux enfers aurait été sans retour s'il n'avait croisé le regard de cet enfant de quatre ou cinq ans, qui attend, dans un silence obstiné, celui qui l'aidera à retrouver ses parents.Quand un homme de foi, confronté au vertige du silence de Dieu, est ramené parmi les vivants par un petit être aux yeux trop grands.

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  • Pour un premier roman, c'est fort réussi. Sébastien Spitzer reste au plus près de la vérité historique, imaginant les sentiments, les haines, mettant en lumière les événements sans délayage ni insistance. 
    Le thème de son livre ne m'attirait pas. S'il n'y avait eu la belle critique de Eve-Yeshe, je ne m'y serais peut être pas intéressée. Je ne regrette pas d'avoir franchi le pas. 
    Il y a beaucoup dans ce livre, par petites touches, dans de courts chapitres, l'auteur dit et nous fait ressentir l'essentiel : l'horreur des camps, cette volonté de tenir et survivre dans cette horreur, l'un pour préserver un rouleau de papiers, témoignages des camps, derniers mots de condamnés, l'autre pour sauver un enfant, le sien...

    Et au milieu de tout cela, il y a Magda Goebbels, retranchée dans le bunker où elle finira sa vie, après avoir empoisonné ses six enfants, sans état d'âme ni douleur... Un personnage de roman qui n'a rien d'attachant, qu'on n'arrive pas à excuser, mais ce n'est pas le but de ce livre... 
    Je me suis plus attachée au personnage du père de Magda, qui vient rythmer le récit, comme en filigrane et à celui d'Ava, symbole de tous les enfants survivants des camps... 
    Sébastien Spitzer s'empare de ces événements historiques et les exploitent, les fait vivre de façon nouvelle. Et c'est ce regard, cette manière d'aborder les choses sans retenue mais avec respect qui fait tout l'intérêt de ce livre. 

    Reste la nuit. Épaisse. Lourde. Vide à tous ceux qui ont peur, à ceux qui désespèrent, se trompent. Cette nuit est aussi pleine que les autres. Féconde. Mystérieuse. Imprévisible. Elle s'est insinuée de l'autre côté des murs. L'heure des souffles de vie. L'heure des silences.

    Un auteur que je vais suivre avec intérêt...

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    4ème de couv

    Sous les bombardements, dans Berlin assiégé, la femme la plus puissante du IIIe Reich se terre avec ses six enfants dans le dernier refuge des dignitaires de l'Allemagne nazie. L'ambitieuse s'est hissée jusqu'aux plus hautes marches du pouvoir sans jamais se retourner sur ceux qu'elle a sacrifiés. Aux dernières heures du funeste régime, Magda s'enfonce dans l'abîme, avec ses secrets.

    Au même moment, des centaines de femmes et d'hommes avancent sur un chemin poussiéreux, s'accrochant à ce qu'il leur reste de vie. Parmi ces survivants de l'enfer des camps, marche une enfant frêle et silencieuse. Ava est la dépositaire d'une tragique mémoire : dans un rouleau de cuir, elle tient cachées les lettres d'un père. Richard Friedländer, raflé parmi les premiers juifs, fut condamné par la folie d'un homme et le silence d'une femme : sa fille.

    Elle aurait pu le sauver.

    Elle s'appelle Magda Goebbels.

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