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Par Liza Helle le 10 Novembre 2021 à 08:09
Je ne sais pas si Eric Marchal est le Ken Follet français, mais une chose est sûre, c'est que j'ai passé un excellent moment avec Les heures indociles.
Londres, 1908, le monde est à un tournant : la révolte sociale gronde, les femmes se mobilisent et réclament non seulement le droit de vote, mais aussi indépendance et autonomie... A travers des personnages hauts en couleur et attachants, l'auteur nous fait revivre ces luttes, qui agitent l'aristocratie et la middle class. Les londoniens des bas-fonds sont trop occupés à survivre pour prendre part à ce combat, qui n'est pour l'instant pas le leur ; mais, ils sont loin d'être absents de ce récit qui nous fait vivre des heures noires, des heures "indociles", des heures de lecture passionnantes...
Olympe Lovell, en féministe convaincue, veut frapper fort et marquer les esprits pour faire évoluer les mentalités. Thomas Belamy, praticien de médecine chinoise au sein d'un grand hôpital lédonien, voudrait, au contraire, faire changer les choses en douceur. Et Horace, lui, ne pense qu'au prochain canular qui pourra égayer sa vie. C'est à se demander comment ces trois-là vont se trouver à œuvrer de concert pour les mêmes causes...
De l'humour, de l'action, des références historiques et quelques clins d'œil au fil des pages, feront que vous aurez beaucoup de mal à le lâcher !
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4ième de couv :1908. La reine Victoria n'est plus et son fils Edward VI se rapproche de ses voisins européens. Le vieux monde britannique se fissure sous l'impulsion de groupes d'avant-garde, comme les suffragettes qui mènent une lutte acharnée pour le droit de vote des femmes. L'heure n'est pas à la révolution, mais à une révolte sociétale de moins en moins feutrée dont les hauts faits se déroulent dans le Londres de Virginia Woolf et de Conan Doyle, celui des parcs et de la bourgeoisie de l'ouest et que des taudis de l'East End ouvrier. Dans Les heures indociles, Éric Marchal relate le parcours de trois personnages hors du commun : Olympe Lovell, la suffragette, une guerrière au service de Mrs Pankhurst, prête à tous les sacrifices pour la cause. Thomas Belamy, l'annamite, médecin au Saint Bartholomew Hospital, le plus vieil établissement de Londres. Il travaille dans le service flambant neuf des urgences et dirige un département de médecine non conventionnelle dont le but est d'unifier les pratiques occidentales et chinoises. Enfin, Horace de Vere Cole, le plus excentrique des aristocrates britanniques, poète et mystificateur, à la recherche de son chef d'oeuvre / le plus grand canular de tous les temps. Chacun d'eux est un rebelle. À deux, ils sont dangereux. À trois, ils sont incontrôlables et deviendront la cible du pouvoir et d'un mystérieux personnage se faisant appeler l'apôtre.
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Par Liza Helle le 8 Novembre 2021 à 16:56
Qu'il est difficile ce livre ! Difficile, car on aimerait lui échapper, pouvoir le garder à distance, mais rien n'y fait. L'estomac aux bords des lèvres, on essaie d'en sortir tant bien que mal, en vain. C'est une réalité qu'on n'a pas encore fait sienne, cette guerre en Yougoslavie. Trop proche de nous, dans le temps et l'espace, c'est un peu comme si on avait mis ce conflit dans un coffre, fermé à double tour, dans les méandres de notre mémoire. Comme pour oublier qu'on regardait tout cela, le cul bien au chaud dans nos canapés.
C'était compter sans Marco Magini qui nous plonge dans cette réalité à travers trois personnages : un magistrat de la cour pénale internationale devant juger un Serbe, soldat impliqué dans le massacre de Srebrenica, sachant que la communauté internationale a sciemment fermé les yeux. Et un casque bleu, qui se devait de rester neutre. Mais à quel prix ?
Le magistrat a devant les yeux un coupable ouvertement désigné. A quel moment comprend-il qu'il va participer à une mascarade ? Comment prononcer une sentence juste et justifiée, quand un seul soldat se trouve assis sur le banc, celui-là même qui eut le courage de parler, de s'assumer comme acteur de ces meurtres ?
J'ai et nous avons condamné un homme à la prison pour une faute qui n'est pas la sienne, pour avoir décidé d'agir comme nous aurions agi si nous avions été à sa place. Qui d'entre nous aurait risqué sa vie pour discuter les ordres reçus de l'autorité, si insensés soient-ils ?
Des scènes vraiment difficiles, dont on ne peut s'échapper, à moins de fermer le livre et ne pas le rouvrir. Les camions se succèdent (hommes entassés / femmes et enfants entassés), les balles font un boucan d'enfer, et quand on croit que c'est fini, un autre, et encore un autre...
Marco Magini écrit sans concession. Un livre dur, mais nécessaire.
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4ième de couv :
"A Srebrenica, la seule façon de rester innocent était de mourir". Drazen a vingt ans lorsque la guerre éclate en Yougoslavie. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il s'engage dans l'armée serbe. Piégé dans un engrenage qui le dépasse, il finira par prendre part au massacre de Srebrenica. Un an après les faits, alors qu'il est le seul soldat à plaider coupable, Drazen est jugé au Tribunal pénal international de La Haye. Comme en témoigne Dirk, un casque bleu néerlandais, l'ONU s'est pourtant refusée à intervenir lors de ce génocide qui aura coûté la vie à 8 000 civils. Quelle sentence Romeo González, magistrat en charge de l'affaire, peut-il prononcer ? Quelle part de responsabilité un seul homme peut-il assumer dans ce qui est encore aujourd'hui considéré comme le pire massacre perpétré en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ?
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Par Liza Helle le 7 Novembre 2021 à 18:10
J'aimerai multiplier les éloges sur ce livre. J'aimerai le brandir comme mon précieux, le garder auprès de moi toujours... Passés les premiers chapitres, je ne sais encore pas quoi en penser : déception ? Rendez-vous manqué ? Et plus j'avance dans cette histoire, plus j'ai le sentiment que c'est moi qui suis en train de le manquer, ce rendez-vous ! Qu'est-ce qui me met mal à l'aise ? Ce manque de sentiment et d'émotion dans l'expression ? Mais n'est-ce pas justement ce que l'auteur cherche à nous transmettre ? Ce qui coule de source quand on connaît la narratrice : Klara ! Cette AA - amie artificielle - créée pour tenir compagnie aux enfants et adolescents de cette modernité qui ne fait vraiment pas rêver. Mais Kazuo Ishiguro, n'est pas là pour nous faire rêver... Il nous assène un futur où l'on devine que tous, adultes comme enfants, ne sont pas les bienvenus. Un peu comme au concert ou au ciné, si tu n'as pas ton sésame.
Rick et sa mère vivent en marge de la société, pourquoi ? Josie est malade, mais de quoi ? Et qu'est devenue sa sœur ? Deviner, Découvrir. Toutes les clefs n'y sont pas. Parce que Klara ne les a pas ? Parce que l'auteur ne veut pas nous les donner si facilement ? Et qu'est-ce que cela changerait ? L'Intelligence Artificielle est là. Plus personne ne s'en étonne. Pas de rejet, ni de lutte. C'est un fait. on s'y soumet. Le monde que l'on découvre, ne semble pas si éloigné du nôtre quand on y pense. Un monde où l'on fait beaucoup semblant, où les apparences comptent plus que la vérité, car la vérité, ici, c'est souvent l'exclusion, la sélection et la mise à mort sociale. Pas de sésame, pas d'avenir.
Je voudrais pouvoir sortir, marcher, courir, faire du skate et nager dans les lacs. Mais je ne peux pas parce que ma mère a du Courage. Alors au lieu de cela je dois rester au lit et être malade. J'en suis très heureuse, vraiment.
Kazuo Ishiguro est dans la retenue, l'ellipse. Le lecteur a son rôle à jouer dans Klara et le soleil. Et lorsqu'on assume ce Je(u), on prend une belle claque. Et cette fin !
J'ai lu ce livre, avec en tête cette si belle chanson. Alors, pourquoi pas, la lune ou le soleil ? Du moment que l'astre nous illumine...
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4ième de couv :Klara est une AA, une Amie Artificielle, un robot de pointe ultraperformant créé spécialement pour tenir compagnie aux enfants et aux adolescents. Klara est dotée d'un extraordinaire talent d'observation, et derrière la vitrine du magasin où elle se trouve, elle profite des rayons bienfaisants du Soleil et étudie le comportement des passants, ceux qui s'attardent pour jeter un coup d'oeil depuis la rue ou qui poursuivent leur chemin sans s'arrêter. Elle nourrit l'espoir qu'un jour quelqu'un entre et vienne la choisir. Lorsque l'occasion se présente enfin, Klara est toutefois mise en garde : mieux vaut ne pas accorder trop de crédit aux promesses des humains...
Après l'obtention du prix Nobel de littérature, Kazuo Ishiguro nous offre un nouveau chef-d'oeuvre qui met en scène avec virtuosité la façon dont nous apprenons à aimer. Ce roman, qui nous parle d'amitié, d'éthique, d'altruisme et de ce qu'être humain signifie, pose une question à l'évidence troublante : à quel point sommes-nous irremplaçables ?
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Par Liza Helle le 28 Septembre 2021 à 13:45
Yoga n'est pas un livre léger. C'est le récit minutieux de la dépression d'Emmanuel Carrère, qui survient au moment même où il s'en croyait libérer... C'est le récit de sa vie psychique qui tisse sa toile comme une araignée dont il ne sait comment se débarrasser. C'est le récit de ses efforts, abandons et maladresses, pour aller mieux, pour être meilleur... Dans sa vie, ses amours, ses amitiés. Mais c'est surtout un livre poignant qui se lit d'une traite.
Ce que j'appelle yoga n'est pas seulement la bienfaisante gymnastique que nous sommes si nombreux à pratiquer, mais un ensemble de disciplines visant l'élargissement et l'unification de la conscience. Le yoga dit que nous sommes autre chose que notre petit moi confus, apeuré, et qu'à cet autre chose nous pouvons accéder.
Le Yoga est la clef. On pense qu'il mènera l'auteur à la connaissance, la conscience et l'apaisement. On sait qu'il n'en sera rien. Il a beau faire tout ce qu'il peut, se sentir enfin heureux, le bonheur en ses mains, "l'effraction du réel" finit toujours par tout faire dysfonctionner.
J'aime l'écriture d'Emmanuel Carrère, ses moments de calme avant la tempête et cette tension palpable qui nous prend et nous embarque. On ne fait plus qu'un avec lui. Parfois il nous fait rire, parfois il nous agace, faut dire qu'il n'est pas de tout repos et qu'il faut pouvoir le suivre... Par contre, je n'ai qu'une déception : le passage avec les migrants : je l'ai trouvé trop long, convenu. Mais c'est si peu à côté de tout le reste...
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4ième de couv :C'est l'histoire d'un livre sur le yoga et la dépression. la méditation et le terrorisme. L'aspiration à l'unité et le trouble bipolaire. Des choses qui n'ont pas l'air d'aller ensemble, et pourtant. C'est l'histoire d'un écrivain qui voit avec satisfaction qu'il a peut-être enfin réussi sa vie, trouvé un équilibre, et qui voudrait bien écrire un livre " souriant et subtil sur le yoga " qu'il pratique depuis 25 ans.
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Par Liza Helle le 9 Juillet 2021 à 13:48
Ni déçue, ni emballée... Il m'a manqué quelque chose dans cette immense sensation de calme. Cela arrive, une lecture qui ne vous laisse pas de sentiments profonds (ni positifs, ni négatifs). Dans ces cas-là, on aimerait dire "parce que c'était lui, parce que c'était moi...", afin de pouvoir se garder d'émettre un jugement. Ne pas céder à la facilité, serait d'argumenter sans fin ; mais, c'est bien aussi de reconnaître quand parfois, on ne sait que dire ou quoi dire de plus...
Laurine Roux mène bien sa barque, dans cette contrée glacée et recluse ; elle sait nous ouvrir aux silences, aux larmes toujours enfouies et à ces paysages que l'on devine aussi grandioses qu'inhospitaliers.
Son héroïne tombe sous le charme d'Igor, cet être décrit à mi chemin entre la bête et l'homme. Elle attache sa vie à la sienne, sans rien connaître de lui, si ce n'est ce qu'il fait et où il va. Elle ne se pose pas de question. Elle laisse les choses venir à elle. Les histoires surtout. Celle de la vieille Grisha qui finira par lui révéler ce qui a été si longtemps tu...
Dans leur obstination blanche, ses pétales pourraient me consoler, je pourrais caresser leur corolle et humer leur parfum, regarder s'évaporer dans l'air métallique des soupirs de vie sublimes ; Je pourrais me dire que nous sommes ces flammèches crème qui fulgurent une heure avant de mourir, mas je suis bien trop fatiguée pour penser à autre chose qu'à fixer l'horizon, et c'est déjà bien.
Vous pourriez le lire et vous faire votre propre idée. Parfois, cela tient à pas grand chose, une belle rencontre avec un livre...
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4ième de couv :Alors qu'elle vient d'enterrer sa grand-mère, une jeune fille rencontre Igor. Cet être sauvage et magnétique, presque animal, livre du poisson séché à de vieilles femmes isolées dans la montagne, ultimes témoins d'une guerre qui, cinquante plus tôt, ne laissa aucun homme debout, hormis les « Invisibles », parias d'un monde que traversent les plus curieuses légendes.
Au plus noir du conte, Laurine Roux dit dans ce premier roman le sublime d'une nature souveraine et le merveilleux d'une vie qu'illumine le côtoiement permanent de la mort et de l'amour.
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