• C’était un spectacle merveilleux pour Pancrace de les voir maintenant récolter les grappes avec le sourire au coin des lèvres. Certes, le vicomte payait particulièrement bien ses servants, mais, en des jours comme celui-ci, il leur redonnait aussi l’orgueil de travailler la terre, d’être paysan.

    Qui plus est, pour les remercier de l’excellence de leur effort, chacun recevrait, en fin de récolte, une gourde de cinq litres recouverte d’osier, provenant de la première cuvée. Ils boiraient alors, sous leurs modestes toits, en le coupant avec un peu d’eau, le même vin que le pape et le roi d’Angleterre.

    De quoi être heureux et fiers.

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  • Par amour - Valérie Tong Cuong -C'était un drôle de spectacle, notre petit campement au milieu de tant d'autres. Nous étions si nombreux et si seuls à la fois.

    Pour la première fois de ma vie, j'ignorais à quoi ressemblerait le jour suivant. En réalité, j'ignorais même à quoi ressemblerait la nuit.
    Je ne savais rien des constellations, des bruits, des cris.
    (...)
    La vie est ainsi, m'avait confié papa. Le monde est une roue qui tourne vite, à peine es-tu en haut, que te voilà déjà en bas.

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  • Être le greffier du temps,
    Quelconque assesseur que l'on voir rôder
    Lorsque se mélangent l'homme et la lumière. 

    Voilà. Ce sont ces quelques vers en exergue des âmes grises de Philippe Claudel qui m'ont conduite à l'homme de peu de Jean-Claude Tardif.

    Parfois cela tient à pas grand chose, la découverte d'un auteur : un chemin tracé, une résonance entre deux livres, deux écrivains... et puis surtout, cette promesse de bonheur, que l'on devine entre les mots.

    mots-jetés, brindilles entre deux amis
    consolés par leurs gestes. 

    J'ai commencé la lecture, et très vite, je me suis retrouvée aux côtés de l'auteur, l'écoutant me raconter cet homme de peu, me présentant certains de ces compagnons de voyage, d'accueil et de partage :  poètes et amis...  

    Petit à petit, sont remontées doucement :

    des odeurs d'enfance séchée
    que l'on tient au secret
    dans une armoire de chêne. 

    En ce temps où l'enfant écoutait, apprenait autant des silences que des mots, petite main enserrée dans celle calleuse et ample de l'ancien ; en ce temps où

    Un livre prêté...
    Nous l'appelions lucarne
    d'où les mots s'envolaient,
    s'étiraient telles nos grasses matinées de printemps.

    Nous n'osions pas même le refermer
    quand nous faisions l'obscurité. 

    Et puis, il y a les douleurs fantômes de la guerre d'Espagne, si savamment tues qu'elles ne dupent personne : ni les vieux qui peinent à effacer leurs bleus, ni les "enfants-petits" qui savent 

    que les morts du jardin prolongeaient d'autres morts
    sous les paupières d'Antonio. 

    J'ai repris la route plusieurs fois, relisant encore et encore 

    La parole jusqu'à l'écho 

    Libre d'aller, sans boussole ni plan, je me suis sentie plus légère, délestant de mes épaules tout ce que je croyais essentiel et qui tombait sans peine jusqu'à trouver trace de l'homme de peu. Le mien. Ni tout à fait le même, ni tout à fait différent de celui de l'auteur. 

    Il me ressemble
    lorsqu'il se regarde dans les flaques. 

    Ce ne sont pas des souvenirs égrainés au fil des pages que vous trouverez dans ce recueil de Jean-Claude Tardif ; c'est la moelle d'une vie.

    Demain se fera en silence 


    ¤ ¤ ¤

    L'homme de peu - Jean-Claude Tardif -

    4ième de couv :

    Livre des gens simples
    émargé à chaque feuille d'une ride sèche
    - terre avant l'orage.

    Sans autre prétention, nous y forçons la pluie
    attendant le meilleur du jour
    sous la pelisse de nos remords

    avec l'espoir
    d'une ode découverte sous la pierre
    avant de nous perdre,
    mendiants magnifiques,
    dans le requiem du poème.
    - - -
    Jean-Claude Tardif est né en 1963, et vit actuellement en Normandie. Animateur de la revue "à l'index", il a publié une dizaine de livres. Le présent recueil vient clore une trilogie qui réunit "Orcus" (La Bartavelle, 1995) et "De la vie lente" (La Dragonne, 1999) : s'y exprime la voix d'un poète qui garde intacte sa faculté d'émerveillement et de partage.

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  • L'enfer du Havre - Julien Guillemard -

     

    C'est à nous d'entrer en lice, avec notre plume la plus acérée au service d'une encre indélébile.

    Contre les guerres.

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  • Quand sort la recluse - Fred Vargas -Toujours avant d’ouvrir le dernier Vargas : cette crainte que la magie n'opère plus, cette volonté de ne pas se laisser emporter par cette aura entourant ses livres, capable de nous ôter tout esprit critique, sous prétexte que « c’est du Vargas » ! Faire table rase de toutes les étoiles d’avant. Remettre les compteurs à zéro et se lancer.

    Ça y est. J’y suis. Je le tiens entre mes mains. Ce n’est pas que j’hésite à le commencer, mais plutôt que je savoure l’instant. Un Vargas, c’est comme un bon vin. Ça se regarde, ça se hume, ça se rêve, avant d’entamer la première phrase. Les premiers mots…
    Quand sort la recluse - Fred Vargas -

    Il y a une part de féerie dans l’écriture de Vargas, une injonction à ne plus douter, à se laisser porter et accepter son univers : celui où les recluses sortent de leur tanière, où les vieilles dames surfent sur internet avec autant de dextérité qu’un jeune geek, où les chats se portent au pied des gamelles et où les framboises se picorent pour ne pas crever.

    - Raconte-moi cette femme qui t'a offert une araignée morte.
    - Les hommes offrent bien des manteaux de fourrure. Quelle idée. Imagine-toi serrer dans te bras une femme qui porte soixante écureuils morts sur le dos.
    - Tu vas porter ton araignée sur le dos ?
    - Je l'ai déjà sur les épaules. Louis.

    Quand sort la recluse - Fred Vargas -

    La magie opère. Perdue à travers les brumes, je suis les pensées évanescentes d’Adamsberg, les regarde se disperser doucement pour petit à petit laisser affleurer quelques vérités du passé. J’ai envie de botter le cul de Danglard, rajouter quelques ingrédients à la garbure, chercher la cellule et creuser la terre, amusée par ce nouveau visage de la Rétancourt… Je savoure doucement la lecture, me délectant des nouvelles inventions, bizarreries et trouvailles de l’auteure.

    Mais ne vous y trompez pas : la noirceur des âmes n’a d’égale que la pesanteur des bulles qui naviguent entre deux eaux neuronales du cerveau de notre cher commissaire.

    C'est souvent, quand on a eu un enfer, qu'on en parle et on en parle, comme s'il fallait le tuer tous les jours. Vous me suivez ? Qu'on en parle même en rigolant, comme si ç'avait été un paradis. Le bon vieux temps, quoi. Et eux, leur enfer, (...) ils l'appelaient "La Miséricorde".

    Alors oui ! Vargas fait du Vargas. Mais c’est tellement bon, qu’on laisse le livre à porter de main, pour mieux rêver du prochain…

    ¤ ¤ ¤

    Quand sort la recluse - Fred Vargas -

    4ième de couv :

    « - Trois morts, c'est exact, dit Danglard. Mais cela regarde les médecins, les épidémiologistes, les zoologues. Nous, en aucun cas. Ce n'est pas de notre compétence.
    - Ce qu'il serait bon de vérifier, dit Adamsberg. J'ai donc rendez-vous demain au Muséum d'Histoire naturelle.
    - Je ne veux pas y croire, je ne veux pas y croire. Revenez-nous, commissaire. Bon sang mais dans quelles brumes avez-vous perdu la vue ?
    - Je vois très bien dans les brumes, dit Adamsberg un peu sèchement, en posant ses deux mains à plat sur la table. Je vais donc être net. Je crois que ces trois hommes ont été assassinés.
    - Assassinés, répéta le commandant Danglard. Par l'araignée recluse ? »

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