• L'accordeur de silences - Mia Couto -

    L'accordeur de silences - Mia Couto -Devant un livre pareil, on ne peut qu’être humble...
    J’aurai envie de partir dans de grandes envolées pour vous faire partager le plaisir que j’ai eu à le lire, cet engourdissement du temps palpable à la lecture, ces mots qui vous envoutent et la seconde d’après, vous claquent les deux joues en vous laissant pantois, groggy, à bout de souffle, mais toujours aux prises avec l’écriture de Mia Couto.


    Mais je n’en ferai rien...


    L’accordeur de silences, nous met face à une tentative désespérée de s’extraire du temps, du monde, dans un lieu où la mort n’a plus ses droits. Un monde d’exclusion, sans livre, sans écriture, sans apprentissage, sans femmes, sans guerres, sans tout ce qui pourrait ramener Sylvestre Vitalicio à la honte, à la douleur et aux regrets.
    Ce monde du renoncement, Sylvestre le baptise Jésusalem. Il y emporte, tel Noé dans son arche fuyant la souillure des autres hommes, ses deux fils (Ntunzy l’aîné et Mwanito, le cadet), un serviteur et une ânesse, compagne des jours où la chair reprend ses droits.
    L'accordeur de silences - Mia Couto -

    Mwanito n’a plus le souvenir du monde d’avant : les terres du Mozambique en proie à la guerre et le refuge des bras de sa mère. C’est un accordeur de silences. Il apaise et redonne justesse à la musique intérieure qui assourdit son père.
    Il n’y a ni passé, ni avenir à Jésusalem. Il n’y a qu’un présent distendu, orchestré par le père tout puissant, érigé en dieu vivant et tyran... Jusqu’à ce que Mwanito se baigne dans le fleuve, qu’une femme vienne à deux pas d’eux, occuper cet espace de sa beauté, de sa parole et de sa quête insensée d’amour passé.

    Lire l’accordeur de silences, c’est faire soi :
    - Le refus de la perte de l’être aimé et cette fuite en avant pour que la réalité ne nous rattrape pas, pour que nous puissions encore « y croire » (comme Marta), ou « oublier » (comme Sylvestre).
    - Ce que serait un monde sans femmes. Un monde où il ne serait question que d’elles, entre admiration, mépris et répulsion : les voix féminines des poètes au fronton de chaque chapitre, comme une réminiscence, silencieuse mais omniprésente.
    - Mère ou Pute : entre les deux, point de salut ! Et le vent ramène le sable dans la fosse, avant que la terre recouvre d’un voile d’oubli l’objet du scandale. Entre la femme vénérée et celle vénale de chair et de sang : un espace muselé, que certains souhaiteraient vide.
    - La guerre et ses balles incrustées dans la chair qui détruisent l’âme des guerriers, oublieux de leur humanité.
    - L’écriture et son don de vie.
    -...
    - et tous ces silences qui hurlent.

    L'accordeur de silences - Mia Couto -
    Mia Couto par Maria José Cabral


    C’est un livre étrange que cet accordeur. Étrange dans le sens d’étonnant, de ce mystérieux qui interpelle. Mais c’est cette étrangeté qui séduit et nous relie, comme un autre soi qui nous parlerait de nous, comme ces soirées de fado, où je pleure et je ris, sans rien comprendre de ce qui se dit, mais les yeux graves et lumineux de Rosa-Maria sur moi. La saudade...

    ¤ ¤ ¤

    4ième de couv :

     

    La première fois que j’ai vu une femme j’avais onze ans et je me suis trouvé soudainement si désarmé que j’ai fondu en larmes. Je vivais dans un désert habité uniquement par cinq hommes. Mon père avait donné un nom à ce coin perdu : Jésusalem. C’était cette terre-là où Jésus devrait se décrucifier. Et point, final. Mon vieux, Silvestre Vitalício, nous avait expliqué que c’en était fini du monde et que nous étions les derniers survivants. Après l’horizon ne figuraient plus que des territoires sans vie qu’il appelait vaguement “l’Autre-Côté” ». Dans la réserve de chasse isolée, au coeur d’un Mozambique dévasté par les guerres, le monde de Mwanito, l’accordeur de silences, né pour se taire, va voler en éclats avec l’arrivée d’une femme inconnue qui mettra Silvestre, le maître de ce monde désolé, en face de sa culpabilité. Mia Couto, admirateur du Brésilien Guimarães Rosa, tire de la langue du Mozambique, belle, tragique, drôle, énigmatique, tout son pouvoir de création d’un univers littéraire plein d’invention, de poésie et d’ironie. 

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  • Commentaires

    1
    Samedi 25 Juin 2016 à 22:08

    Quel beau présent, Cécile. Je l’ai aimé immensément plus, que ce que je ne l’ai attendu.
    Sois en remerciée ici même.

    2
    Ellane
    Mardi 20 Septembre 2016 à 10:43

    Et oui, L'accordeur de silences, tout un autre monde possible qui s'ouvre. C'est le seul que tu aies lu de Mia Couto ?

      • Mardi 20 Septembre 2016 à 19:21

        Oui ! ;-(

        J'ai réservé à la médiathèque : "Un fleuve appelé temps, une maison appelée terre" et "la pluie ébahie". Les as-tu lu ?

    3
    Ellane
    Mercredi 21 Septembre 2016 à 14:37

    Et non, je n'ai lu ni l'un ni l'autre. En fait, il y a "peu" de romans de Mia Couto traduit en français, du coup, je les savoure tout doucement... Dès que j'en commence un, j'en achète un autre. Je prends mon temps pour lire, je m'empêche de tout finir d'un coup, souvent, je me rationne (2 chapitres par jour, pas plus... bon allez, juste un troisième mais c'est juste pour aujourd'hui !!). Pour le moment, j'ai lu, outre L'accordeur de silences : Le chat et le noir, Tombe, Tombe au fond de l'eau, Le dernier vol du flamant, Poisons de Dieu, remèdes du diable, et La confession de la lionne. La véranda au frangipanier m'attend sagement sur l'étagère... J'aimerais bien trouvé "Le fil des missangas" et "Terre somnambule" en particulier, mais ils ne sont plus édités... A chaque fois, c'est du bonheur à l'état brut :-)

      • Jeudi 22 Septembre 2016 à 07:30

        C'est déjà pas mal ! Mais je te comprends, il faut profiter en faisant durer la lecture... Je fais de même avec Ariane Dreyfus.

        J'ai regardé sur momox, ils ont "Terre somnambule", mais... à 24.69 euros. ;-(
        J'avais trouvé "appartement" de Kang full chez eux, pour un prix raisonnable... également, plus ré-éditié. ;-((

    4
    Ellane
    Vendredi 23 Septembre 2016 à 17:00

    Je ne connais pas Ariane Dreyfus ; c'est un poète, n'est-ce pas ?

    J'ai déjà vu Terre somnambule à 134€ :-)

    Si j'ai tout suivi, les éditions Chandeignes rééditent les anciens Mia Couto, parfois avec une nouvelle traduction. C'est dans le cadre de ces rééditions que j'ai reçu (tout à l'heure, dans ma boite aux lettres... j'aime le facteur !) "Histoires révérées", qui date de 1994. Je croise les doigts pour qu'ils poursuivent cette chouette initiative, y compris sur les plus anciennes publications !

      • Vendredi 23 Septembre 2016 à 17:06

        Oui, Ariane Dreyfus est poète ! ;-)

        134 euros ! Nom d'un chien ! Sont très raisonnables chez Momox tout compte fait ! ;-)

        J'espère pour toi qu'ils continueront à rééditer ces livres. Ce sera frustrant sinon... Mon facteur à moi, il est pas causant et parfois il râle ! D'ailleurs, c'est les seules fois où il parle... Par contre, il a une collègue super sympa quand il est absent ! ;-))

    5
    Ellane
    Vendredi 23 Septembre 2016 à 17:18

    Rhaaaa et moi qui croyais que c'était le pilote d'hélicoptère qui amenait directement ton courrier dans ta boite aux lettres !! Quelle déception !!

    :-)

    PS : je suis désolée, je me sens bien sur ton blog, mais là, je crois que je pollue !!

      • Vendredi 23 Septembre 2016 à 17:47

        ça c'est l'effet "Heidi", tu sais : "la montagne est tellement jolie, quand on grandit auprès d'elle..." ! ^-^

        L'hélico c'est seulement pour les gens qui cassent leurs petites jambes en voulant jouer les russes (je dis cela, c'est en liaison avec les montagnes, Hum hum...) ;-))

      • Vendredi 23 Septembre 2016 à 17:49

        Tu ne pollues pas ! Et puis, on n'est pas encore fixées sur le nombre de commentaires max par articles, alors, on teste... ;-))

    6
    Ellane
    Jeudi 29 Septembre 2016 à 16:38

    "La fenêtre : n'est-ce pas là que la maison rêve d'être monde ?"

    J'aime bien cette image :-)

      • Jeudi 29 Septembre 2016 à 18:16

        Si tu savais comme cette image correspond à ce sur quoi je "travaille" en ce moment ! Extra ! wink2

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    7
    Ellane
    Mercredi 5 Octobre 2016 à 16:03

    Tu changes les rideaux de ton chez toi ?? glasses

    Il ne me reste plus que 3 nouvelles... A peine de quoi caler un demi-trajet demain... Et pourtant, j'économise !!

      • Mercredi 5 Octobre 2016 à 16:15

        wink2 Je compatis... Cela va être dur de faire sans, après... frown

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