• La bouche de quelqu'un - Ariane Dreyfus -

    La bouche de quelqu'un - Ariane Dreyfus -Écrire des poèmes, comme on aime. Les laisser jaillir de soi, comme un cri, une décharge qui cambrent tout le corps : « L'amour n'ôte pas ses mains. (…) Pas de porte close dans le poème. »

     

    Écrire comme on enroule ses bras et ses jambes autour du corps de l'être aimé.

    « Tant que tu n'es pas parti je ne ferme pas les yeux.

    (…)

    Le oui, le tien,

    Répété jusqu'au ventre.

     

    Nous qui commençons

    Tout devient croyable. 

    (…)

    J'écris plus fort que me souvenir. »

     

    Écrire pour combler l'attente, le manque, quand les corps se séparent.

    « Je vais encore demander si c'est un poème, mais je ne demande plus si je t'aime . »

    Savoir que « les caresses passent, la vie aussi c'est pas à pas », et se demander, entre deux, « Qui dérivera ? »

     

    La bouche de quelqu'un - Ariane Dreyfus -

    Gérard Schlosser (né en 1931)
    Le Baiser, 2010
    Acrylique sur toile sablée, 80 x 80 cm

    Mendier la caresse. Attendre les pas qui font crisser les graviers, laisser la porte entre-ouverte et le lit aussi, toute la nuit, le feu allumé à brûler la peau, se réveiller seule, les draps froissés, se dire, oui, il y a eu un corps dans les creux du mien... Se dire :

    « Il est parti parce que revenir est un cadeau
    Qu'elle aimera beaucoup et longtemps. »

     

    Et puis, le réveil brutal et le retour à une autre réalité :
    « Ariane, je ne t'ai jamais aimée. »

    Et tous ces poèmes qui sortent et qui jaillissent encore de soi !

    « J'enfonce ma tête dans tous les poèmes de ma vie. »

     

    Que faire ?

    « Je continue notre livre

    Le feu d'une seule brindille. »

     

    Pour rester debout. Continuer à écrire :

    «Des phrases, leur poids,

    Mieux que se retourner mille fois contre le drap. »

     

    Et ce décompte :
    « Encore un poème, encore une nuit finalement vécue. »

    « Rien pour retenir ?

    Celle qui découvre la boue
    Dedans. »

     

    Et puis, « parfois fermer les yeux », « sentir enfin d'autres joues », laisser d'autres lèvres approcher les nôtres - « la bouche de quelqu'un » - et ravir d'autres mains. 

     La bouche de quelqu'un - Ariane Dreyfus -

    « Pourtant je vous souris sincèrement comme on se lève quand c'est tout fracassé.

    (…)

    Il faudrait reprendre tous les mots pour maintenant, les laver au ruisseau qui glace les mains, s'appuyer longtemps sur ses genoux. Souffrir pas à cause des sentiments, je resterai jusqu'à ce qu'on embrasse la bouche de mes mots.

    (…)

    J'ai tellement écrit pour seulement ouvrir la bouche. Il faudrait des mots à peine sortis, mouillés encore de langue. J'oserais me tourner vers vous, dans mes yeux le regard et si vous aussi tu m'émeus.

     

    Si toi aussi je n'écrirais plus. »

     

    ¤ ¤ ¤

    La bouche de quelqu'un - Ariane Dreyfus -

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 24 Avril 2016 à 13:31

    Ces vers sont vraiment très beaux. J'ai noté la référence :)

      • Dimanche 24 Avril 2016 à 14:31

        J'apprécie tant cette auteure. J'espère que ce sera une belle découverte pour toi...

    2
    Siabelle
    Mercredi 18 Mai 2016 à 21:45

    Je ne connais pas, cette lecture fait du bien au coeur. Je note également.
    Tu as bien choisi les citations et tu les as mis en valeur. Tu me donnes encore plus le goût de découvrir cette auteur. 
    Merci ! 

      • Jeudi 19 Mai 2016 à 21:23

        J'aime beaucoup cette auteure. Il y a une telle force et à la fois une telle fragilité, dans ses mots, les images qu'elle nous offre. Je ne me lasse pas de la lire. Si tu franchis le pas et ouvre un de ses recueils, je serais curieuse de savoir ce que tu en penses, Siabelle...

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