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L'homme de peu - Jean-Claude Tardif -
Chez nous, rien n'était plus âpre
que le feu des conversations,
on baissait la tête
pour éviter les salves.Grand-père jamais ne parlait
de la guerre d'Espagne.
Il comptait les têtes de dahlias
coupées, fraîches, au matin.Jamais il ne nous dit les camps de travail,
les autres, où il maigrit,
parce qu'il avait le corps trop rouge
pour adorer le crépuscule :
mais nous savions, confusément,
nous, ses "enfants petits"
que les morts du jardin prolongeaient d'autres morts
sous les paupières d'Antonio.Parfois, nous l'avons vu
baisser les yeux,
les cacher sous le bandeau de ses mains
cependant qu'encore une fois
les conversations roulaient
sur les plaies infimes du quotidien.
Tags : L'homme de peu, Jean-Claude Tardif, Poésie contemporaine
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