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Congo - David van Reybrouck -
Elle était restée travailler jusqu’à la veille de son accouchement, son bébé ne pesait que 1,7 kilo, moins qu’un petit lapin. Je n’avais encore jamais rien vu de pareil. J’ai décidé d’organiser un sit-in. Nous sommes partis par petits groupes vers le bureau de paie de l’éducation publique. Les trois quarts des enseignantes m’ont accompagnée. A dix heures pile, tout le monde s’est assis. Le soir, j’ai été arrêtée. Une Land Rover remplie de soldats m’a amenée à la mairie. J’étais simplement vêtue de ma chemise de nuit. Ils étaient tous là : le maire, les responsables de la sécurité publique, du parti, de l’enseignement, du quartier. J’étais là, une femme face à cinquante hommes. Ils m’ont insultée l’un après l’autre et, moi, je n’arrêtais pas de penser à l’enfant de 1,7 kilo, ce petit lapin, dont la mère, Mme Rumbasa, une bonne collègue, était morte parce qu’elle n’avait pas eu de congé maternité. J’ai explosé. J’ai hurlé contre le maire. J’avais une boule dans la gorge, c’était la deuxième fois de ma vie adulte que je pleurais. Après ma tirade, personne n’a plus rien dit, tant je m’étais fâchée. Je me suis sentie apaisée. Vers minuit, le maire m’a ramenée chez moi dans sa Mercedes.
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