• Voilà ! S’il y a une chose à laquelle j’ai du mal à résister, que ce soit à lire ou voir, c’est bien les histoires d’amnésie. C’est un peu comme les Marvel, cela exerce sur moi une attraction irrépressible, et « y’a pas », faut que je lise ou regarde si par hasard, un tel récit pointe le bout de son nez sous le mien ! Alors, forcément, une telle addiction ne peut conduire toujours à une envolée lyrique, et parfois, la chute est sévère. J’ai mémoire de grands moments de solitude, qui ont parfois donné lieu à des fous rires nerveux - de défense, évidemment - devant quelques niaiseries dont je me serais somme toute, bien passée. Mais que voulez-vous, quand le compulsif dicte la raison, il faut s’attendre parfois à de belles déconvenues.

     

    Mais que nenni pour cet opus ! Et pourtant, c’était pas gagné…

     

    Imaginez-vous que notre chère Christine sort de son sommeil tous les matins sans souvenirs de rien : ses vingt ans en tête, mais quarante sept en corps. Collé à elle, au réveil, un homme qu’elle ne (re)connaît pas. Que faire, me direz-vous dans une telle situation ?

    Avant d'aller dormir - S.J. Watson -

    Et bien, rassembler ses vêtements, courir à la salle de bains pour se rhabiller illico presto et prendre la poudre d’escampette en se jurant de moins picoler la prochaine fois, pour éviter de se retrouver dans le lit d’un « vieux », au lendemain d’une soirée sûrement un peu trop arrosée. Mais voilà, scotchées de part et d’autre sur les murs, elle découvre des photos d’elle avec cet homme, mariage, anniversaires, soirées, virées and co, avec en face d’elle, dans la glace, ses yeux de quarante sept ans rivés, effarés, sur son moi de femme épanouie, petites rides naissantes et mèches grisonnantes en prime…

     

    En gros, sous les photos, écrit en majuscule : « BEN ». C’est le prénom de cet homme, qui va lui expliquer, pour la énième fois, l’histoire qui disparaît de sa conscience tous les matins au réveil : l’accident, ses quarante sept ans, la mémoire qui ne fixe rien, et ce  perpétuel recommencement…

     

    Avant d'aller dormir - S.J. Watson -

    Comme je le disais, ce n’était pas gagné : car nous le vivons, nous aussi, lecteurs, ce replay de tous les jours… matin après matin ! Et cela aurait pu être (peut-être l’est-ce pour quelques lecteurs, d’ailleurs) pesant et décevant. Ce serait oublier le talent de S. J. Watson qui fait que nous ne lâchons rien, page après page, l’angoisse monte, les questions fusent : on mène l’enquête également et on en arrive nous aussi, à ne pas pouvoir dormir, avide de savoir, ce qui a bien pu arriver à notre chère Christine…

     

     "Je me rends compte que le livre que je suis en train d'écrire (...) pourrait être dangereux, aussi bien que nécessaire. Ce n'est pas une fiction. Il pourrait révéler des choses qu'il vaudrait mieux laisser ignorées. Des secrets qui ne doivent pas remonter à la lumière.
    Mais mon stylo continue à courir sur la page."

     

    Dans ce récit, ce n’est pas un rythme effréné d’action qui nous captive et nous tient en haleine, mais une montée progressive d’une angoisse, d’un questionnement liés à toutes ces incohérences entre discours et réalité.

     

     L’idée de départ est originale et a donné lieu à une adaptation ciné avec Nicole Kidman et Colin Firth. Pas si mal, certes, mais j’ai réellement préféré le livre. Ayant beaucoup de mal avec les adaptations, cet avis n’est sûrement pas objectif. A vous de juger !

    ¤ ¤ ¤

    Extrait "Il arrive"

     ¤ ¤ ¤

    Avant d'aller dormir - S.J. Watson -

    4ième de couv :

     Chaque matin, c'est le même effroi. La même surprise.
    En se découvrant dans la glace, Christine a vieilli de vingt ans. Elle ne connaît ni cette maison, ni l'homme qui partage son lit.
    Et chaque matin, Ben lui raconte. L'accident. L'amnésie...
    Ensuite, Christine lit son journal, son seul secret. Et découvre les incohérences, les questions, tout ce qu'on lui cache chaque matin, posément. Peut-être pour son bien... Peut-être pas.

    «Avec une construction qui tient du tour de force, ce livre est un cocktail totalement addictif.» Le Point

    «Un thriller psychologique qui maltraite les nerfs de son attachante héroïne en même temps qu'il joue avec ceux du lecteur.» Le Monde

    «Je n'avais encore jamais vu ça : des heures après avoir fini ce livre, j'avais encore les nerfs à vif !» Dennis Lehane

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    Ils vous annoncent un polar, mais ne vous y fiez pas ! C'est bien plus que cela. Laissez tomber la 4ième de couv. Vous en saurez un peu plus, mais bon, rien qui pourra vous préparer à cette bombe littéraire, ce scud venu tout droit de l'ancienne terre soviétique qui va vous envoyez illico presto aux portes de l'enfer, cerné(e) par les marécages de Nazino.
    Nazino, cette « île des cannibales » où furent déportées 6 000 personnes, sans nourriture, sans abri, sans rien excepté ce qu'ils avaient sur le dos et dans leurs poches. Ces « éléments socialement nuisibles » sensés coloniser les terres arides pour la gloire de la patrie socialiste vont finir par s'entredévorer, abandonnés à leur sort.
    Voilà qui plante le décor, mais ne vous donne que le tempo, tant le rythme du récit est dense et soutenu.

     


    Tout s'est joué là-bas, dans les années 30. Et tout ce qui secoue la Barcelone du XXIième siècle dans cette histoire, a ses racines dans cette terre aride.
    Gonzalo Gil ne sait pas vers quoi il s'embarque, quand il décide de poursuivre l'enquête, ou plutôt la quête de sa soeur, agente de police que l'on soupçonne d'un meurtre sanguinaire commis pour venger l'assassinat de son fils et qui s'est suicidée juste avant que la justice ne la rattrape. Cet homme sans histoire (dans tous les sens du terme) va ouvrir les portes de la backroom de l'Histoire, là où se forgent les lignes directrices des grands évènements de nos civilisations : dans la fange et le sang.


    Jamais entendu parler de Nazino avant de lire ce livre. Je me suis documentée et me demande pourquoi est-ce que l'on ne nous apprend pas cela à l'école ? Qu'est-ce qui justifie ce silence gêné ou cette évocation à mi-mots avant de tourner vite la page sur les crimes staliniens ? Staline, Franco, Hitler : même combat !
    Enfin la question on se la pose par principe, car on en connaît tous plus ou moins la réponse. Vous savez :L'histoire...
    C'est elle qui va façonner les hommes et les femmes de ce récit, les broyer, les ré-éduquer ou les porter aux nues. Et c'est elle qui trônera encore et toujours, la tête haute, contre vents et marées : « L'esclave le plus fidèle est celui qui se sent libre. »



    Victor de Arbol est un virtuose des mots et de la narration (à saluer : la traduction de Claude Bleton) ; il vous embarque de Barcelone à Nazino, des années 30 au début des années 2000 avec une allégresse et une dextérité qui ne peuvent que soulever l'admiration et rendent le lecteur fébrile, suspendu à ses mots et ces pages que l'on enrage de quitter quand il nous faut abandonner le livre pour retourner pagayer dans le courant de nos vies.

    La dernière page refermée, on se retrouve comme Elias Gil, ce personnage dantesque qui n'aura de cesse de sauver sa peau :
    « Il était plein de trous, telle une vieille carcasse de bateau, et il lui arrivait de penser qu'il ne pourrait plus flotter, plus jamais. »


    ¤ ¤ ¤


    Les bois flottés finissent toujours par s'échouer sur la côte, rejetés par l'océan. Et les mains des hommes les façonnent à leur guise...

     

    ¤ ¤ ¤

    Toutes les vagues de l'océan - Victor del Arbol -

    4ième de couv

     

    Gonzalo Gil reçoit un message qui bouleverse son existence : sa sœur, de qui il est sans nouvelles depuis de nombreuses années, a mis fin à ses jours dans des circonstances tragiques. Et la police la soupçonne d’avoir auparavant assassiné un mafieux russe pour venger la mort de son jeune fils. Ce qui ne semble alors qu’ un sombre règlement de comptes ouvre une voie tortueuse sur les secrets de l’histoire familiale et de la figure mythique du père, nimbée de non-dits et de silences.
    Cet homme idéaliste, parti servir la révolution dans la Russie stalinienne, a connu dans l’enfer de Nazino l’incarnation du mal absolu, avec l’implacable Igor, et de l’amour fou avec l’incandescente Irina. La violence des sentiments qui se font jour dans cette maudite “île aux cannibales” marque à jamais le destin des trois protagonistes et celui de leurs descendants. Révolution communiste, guerre civile espagnole, Seconde Guerre mondiale, c’est toujours du côté de la résistance, de la probité, de l’abnégation que ce parangon de vertu, mort à la fleur de l’âge, a traversé le siècle dernier. Sur fond de pression immobilière et de mafia russe, l’enquête qui s’ouvre aujourd’hui à Barcelone rebat les cartes du passé. La chance tant attendue, pour Gonzalo, d’ébranler la statue du commandeur, de connaître l’homme pour pouvoir enfin aimer le père.
    Toutes les vagues de l’océan déferlent dans cette admirable fresque d’un xxe siècle dantesque porteur de toutes les utopies et de toutes les abjections humaines.

     

    ¤ ¤ ¤

    Interview Victor del Arbol - Librairie Mollat - :

     

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