• Après tant d'années, toujours cette voix, ses silences et son regard.
    Les poètes ne meurent jamais !

    Les poètes ne meurent jamais !

     

    Ils vont, leurs mains sont pleines
    D'une poussière d'or,
    Ils entrouvrent leurs mains
    Et la nuit tombe.

     

    Je suis là, debout, face à la réalité rugueuse, à jeter des pierres. 
    Dans ma nuit, mon étoile brille de plus belle depuis hier.

    Et la parole scellée, éveillée, je me souviens.
    J'ouvre les yeux
    de mes demains sur les ruines du monde.

    Et puisse être le ciel...

    ¤ ¤ ¤

    "Jeter des pierres"
    Les planches Courbes

     

          Et nous étions là, dans la nuit, à jeter des pierres. À les jeter le plus haut, le plus loin possible, dans ce bois devant nous qui si rapidement dévalait la pente que c'en était sous nos pieds comme déjà un ravin, avec le bruit de l'eau à ruisseler en contrebas sous les arbres.

         Des pierres, de grosses pierres que nous dégagions des broussailles, difficilement mais en hâte. Des pierres grises, des pierres étincelantes dans le noir.

         Nous les élevions à deux mains, au dessus de nos têtes. Qu'elles étaient lourdes ainsi, plus hautes, plus grandes que tout au monde ! Comme nous les jetterions loin, là-bas, de l'autre côté sans nom, dans le gouffre où il n'y a plus ni haut ni bas ni bruit des eaux ni étoile. Et nous nous regardions en riant dans la clarté de la lune, qui surgissait de partout sous le couvert des nuages.
         Mains déchirées bientôt, mains en sang. Mains qui écartaient des racines, fouillaient la terre, se resserraient sur la roche qui résistait à leur prise. Et le sang empourprait aussi nos visages, mais toujours nos yeux se levaient du sol dévasté vers d'autres yeux, et c'était encore ce rire.

    Yves Bonnefoy

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  •  Le printemps des poètes arrive doucement et avec lui quelques brèches qu'il va falloir tenir, maintenir ouvertes et tendues jusqu'à l'extrême. L'éveil.
    Le thème cette année : "Le grand vingtième : d'Apollinaire à Bonnefoy, cent ans de poésie".
    "La poésie est morte" : J’ai entendu ça hier !

    J'ai souvenir d'une lecture des planches courbes. Yves Bonnefoy s'installe, parle si doucement de sa voix caverneuse pourtant, que le silence qui s'était déjà invité, semble le recouvrir, lui, sa parole et sa présence authentique. Puis, sans lien ni entrée en matière, il ouvre les planches, ouvre ce lieu de vie où il n'y a plus rien d'autre que chaque soi suspendu à ses mots à lui.
    Et ce grand vide juste après.
    La discussion ? C'était difficile. Le véritable dialogue avait déjà eu lieu.

     

    "La poésie est morte" : J’ai entendu ça hier !

     

    Pourquoi toujours regarder en arrière ? Dieu sait que j’aime cette poésie du XX ième, mais voilà : C'est aujourd'hui que je respire et non hier. C'est maintenant que mon coeur pulse et c'est ici que ses battements raisonnent. Le XXI ième siècle est déjà en marche. Depuis seize ans. Seize années déjà que certains n’ont pas vues passer.
    Que faut-il faire pour qu'ils avancent, ne restent pas coincer sur cet âge d'or, le leur ?

     

    "La poésie est morte" : J’ai entendu ça hier !

     

     Que faut-il faire pour qu’on offre un espace de paroles aux poètes d'aujourd'hui ? Et n'est-ce pas trop facile d'invoquer ces "ils" et ces "on" ? Est-ce que cet espace s’offre ou se conquiert ? La poésie n'a que faire des institutions et la poésie institutionnalisée se répand dans les latrines de l'Histoire pour son plus grand désespoir.
    Alors ne pas courir après subventions, reconnaissance et édition. Écrire parce qu’on a quelque chose à dire. Même si personne n’est là pour l’entendre ?
    Tous ces poètes ignorés aujourd'hui qui ne savent ni crier ni se taire...

     

    "La poésie est morte" : J’ai entendu ça hier !

     

    Peut-être est-ce nos sociétés, nos vies qui vont trop vite ou sommes-nous à ce point gavés d'images, de bruits et de paroles, que nous n'avons pas su maintenir cet espace, cette sphère entrouverte pour le recueil et le recueillement ?

     

    "La poésie est morte" : J’ai entendu ça hier !

     

    Tu me dis cela comme ça. Pas de provocation dans ta voix et tes  yeux : tu constates. Et tu voudrais que je te réponde. Que je t'explique, que je riposte ou que je nie, j'é-crie ? J'aurais beau contester, consternée, toi et moi nous y changerons quoi ?

    "La poésie est morte" : Tu m'as dit !Peut être ouvrir les recueils, laisser les yeux courir entre les pages.

    Peut être fermer les recueils, courir les pistes de slam, assaillir l'oiseau de twitter de "jets de cailloux"1, et surtout : dire, écouter, lire, donner une voix haute et franche, à tous ces mots qui se battent à la marge.

    Laisser entrer les rimes et les libres dans nos oreilles et nos gorges pour se les approprier et les faire se tenir debout, face à nous !

    "La poésie est morte" : J’ai entendu ça hier !De bric et de broc, aller cahin caha au creux de l'épicentre d'une création sans annonceurs ni projecteurs. Éblouis par l'éclat de pépites et perles noyées à laver, polir et cajoler, au détour d’un chemin dont on ne sait pas encore si c’est le bon. Se fourvoyer dans un sentier et faire demi-tour, les pieds dans la rivière Serpentine, s’essouffler mais continuer à parier sur la poésie naissante, sur la/le poète balbutiant, sur cette lumière qui n'éclaire que celui qui sait la recevoir.

    Et puis..."La poésie est morte" : Tu m'as dit !

    Et puis s'accrocher à tous ces lanceurs de mots, comme autant de lanceurs d'alertes dans notre monde en dérive.

     

    "La poésie est morte" : J’ai entendu ça hier !

     

    - Quand tu auras tout dit, que te restera-t-il ?
    - Il me restera encore tes mots et les miens mêlés... sous la peau. 

     ¤ ¤ ¤


    1 - Si vous voulez connaître la suite donnée à ces jets de cailloux et découvrir son auteur - Ryôichi Wagô-, c’est ici et  !

    Photos : -Yves Bonnefoy - Chloé M. - Grand Corps Malade - Astrid Shriqui Garain -

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