• Deux mètres dix - Jean Hatzfeld - Tatyana Izvitkaya, cette fille qui souriait avant de sauter ! Comment ne pas s'en souvenir ! Avoir envie de sourire face à la barre, à l'instant de prendre son élan, dans un championnat du monde ! On n'a jamais vu ça. Personne ayant disputé un titre à ce niveau dans un stade comble ne peut le croire. Pas un sourire accidentel, une fois, comme une réaction nerveuse, ou euphorique ou sur le coup d'une pensée fortuite, non. Elle souriait avant chaque essai, à n'importe quelle hauteur, un vrai sourire heureux ou amusé, en tout cas rayonnant, étrangement rayonnant.

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  • Il vous faudra alors attendre... - Sylvain Tesson - De l'entraînement à la victoire, les disciplines de haut niveau exigent l'ascèse, l'abandon de toute espérance. Pour la rafle d'un moment de gloire. Pour la grandeur des nations oublieuses. Sportifs ! une fois atteints les objectifs, vous pourrez crever dans vos steppes, infectés par les stéroïdes. Il vous faudra alors attendre qu'un Hatzfeld bâtisse votre tombeau, tendrement, respectueusement, ému par vos souffrances et fasciné par le mariage de la violence et de la grâce.

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  • Le deuil de la mélancolie - Michel Onfray - Michel Onfray a écrit le contenu de ce livre  "à chaud" avec son iPhone, sur son lit d'hôpital. Il a fait le choix de ne rien retoucher de ce qu'il a inscrit, pensé à ces instants. Il relate son AVC et comment plusieurs médecins et spécialistes sont passés "à côté", la vie sauve qu'il doit à la notoriété qui aide à passer des examens décisifs dans la journée alors que pour tout un chacun il faut se résoudre à attendre plusieurs jours. On ne les a pas toujours.

    Dans un premier temps, je l'ai trouvé vraiment sévère avec le corps médical (nous connaissons tous la situation de l'hôpital public. Qui n'a pas dans sa famille, ses connaissances, un infirmier, une anesthésiste, ou tout autre spécialiste qui nous en raconte "de bonnes", souvent à la limite de l'invraisemblable ?). On réclame l'indulgence. Mais quand cela nous concerne, ce n'est pas tout aussi simple. Alors, réflexion faite, je comprends sa colère : ce n'est pas tant l'erreur de diagnostic qui le fait bondir, mais le fait que les médecins concernés n'aient pas accepté s'être trompés. Beaucoup de vanité dans les réponses qui lui ont été faites. Je vous laisse juge.

    Cet AVC il en connait la cause. La mort de sa compagne Marie-Claude. Ses réflexions m'ont beaucoup touchée. Il n'y a plus de philosophe, plus d'homme de lettres, prompt à analyser, décortiquer pour penser et agir. Il n'y a qu'un homme qui souffre, qui ploie sous le chagrin, l'incompréhension et le déni...

    Ce qu'il dit, toute personne confrontée à la maladie et la mort l'a vécu ; je n'aurais pas pensé qu'il soit, lui aussi, confronté à l'éloignement des proches et amis. J'imaginais bêtement que la notoriété avait cet avantage de se sentir entouré. Oui, mais que pour le bon. Pas pour tout le reste...
    Sommes-nous si peu à avoir le courage de tenir une dernière fois la main d'un ami qui s'en va, d'accompagner celui ou celle qui reste seul, écrasé par le désespoir et la tristesse ? Pourquoi si peu pleurent avec nous ? Une constante de la nature humaine, sans doute...

    Le deuil de la mélancolie, c'est de savoir vivre après. Mais pas que.

    Vivre n'est pas prendre soin de soi, ce qui est une affaire d'infirmerie ou d'hospice et relève d'une morale de dispensaire : vivre c'est prendre soin de ceux qu'on aime...

    Vivre en étant à la hauteur de ce qu'elle fut : un modèle de rectitude, de droiture, de justesse et de justice, de générosité, de bienveillance et de douceur, de force discrète et de courage modeste. J'avais eu mon père comme premier modèle d'héroïsme simple et réservé ; j'ai eu Marie-Claude comme second modèle pendant presque 37 ans. C'est déjà une grande chance, une immense chance. Merci pour ce cadeau. Je te suivrai un temps, mais l'éternité du néant nous réunira.

    ¤ ¤ ¤
    4ième de couv :

    J'ai subi un infarctus quand je n'avais pas encore trente ans, un AVC quelque temps plus tard, puis un deuxième en janvier 2018. Nietzsche a raison de dire que toute pensée est la confession d'un corps, son autobiographie. Que me dit le mien avec ce foudroiement qui porte avec lui un peu de ma mort ?
    La disparition de ma compagne cinq ans en amont de ce récent creusement dans mon cerveau, qui emporte avec lui un quart de mon champ visuel, transforme mon corps en un lieu de deuil. " Faire son deuil " est une expression stupide, car c'est le deuil qui nous fait.
    Comment le deuil nous fait-il ? En travaillant un corps pour lequel il s'agit de tenir ou de mourir. Un lustre de mélancolie ou de chagrin porte avec lui ses fleurs du mal.
    Ce texte est la description du deuil qui me constitue. Faute d'avoir réussi son coup, la mort devra attendre. Combien de temps ? Dieu seul (qui n'existe pas) sait... Pour l'heure, la vie gagne. Ce livre est un manifeste vitaliste.

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  • Quand on est scénariste, on peut éprouver une certaine frustration parce qu’on a imaginé quelque chose qui est réalisé et qui n’est pas ce qu’on avait rêvé ; mais là il y a le film, et le scénario n’existe plus. Le scénario est un objet transitoire qui n’est pas destiné à être lu en dehors des gens qui font le film. Cela peut créer un regret, une amertume, une frustration chez le scénariste. En revanche, quand on écrit des livres qui sont adaptés au cinéma, je dirais que, même si le film est raté, le livre existe toujours. Ça n’entame pas du tout ses qualités ou ses défauts.

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  • C'est quelque chose qui me mine un peu... - Emmanuel Carrère -

    Depuis la fin du Royaume, je suis en panne comme écrivain : je savais que cela allait arriver. Je me disais aussi que si j'étais prévenu un peu de cela, ça se passerait, ma foi, gentiment, ou pas désagréablement. Mais ce n'est pas vrai, c'est quelque chose qui me mine un peu, même si j'ai d'autres occupations, essentiellement d'écrire des scénarios et de faire des reportages, mais voilà, je le savais. Je ne sais pas comment je me suis engagé dans cette phase...

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