• Bréauté-Beuzeville : second arrêt et quelques personnes à la montée. Une femme vient s’installer à côté d’elle. Elle sort une petite trousse de maquillage, au tissus rouge matelassé, taché et légèrement délavé, ouvre une boîte de fards, déplie un petit miroir de sac et commence doucement à étaler la couleur sur ses paupières. Du coin de l’œil, Hazya s’attache à la main qui dessine les courbes et accroche la couleur bleue au dessus des prunelles. Malgré le mouvement de balancier du train, le geste est sûr. Un œil. Et puis l’autre. Un trait de crayon au ras des cils. Hazya se colle à la vitre, pour ne pas gêner le dessin rapide et précis de la main qui souligne. Et le mascara suit. Un pinceau sorti du sac à main, une boîte de poudre, Terracotta, Hazya en jurerai, et le pinceau caresse sa peau, une joue après l’autre, le front, la frange relevée de la main opposée, l’arête du nez et le menton et un léger coup de blush sur les pommettes. Le bâton de rouge à lèvres, ouvert d’un coup sec, caresse les lèvres qu’Hazya ne voit pas, mais qu’elle devine. Et cette odeur légèrement parfumée et sucrée qui monte doucement dans le creux de ses narines.
    Étrange : se lever, déjeuner sans doute, s’habiller, s’engouffrer dans la voiture et se maquiller dans le train. Toujours quelques précieuses minutes de sommeil gagnées. “Elle doit être secrétaire. Peut être a-t'elle réveillé ses enfants pour qu’ils se préparent pour l’école, juste avant de venir à la gare, conduit son mari au boulot ou c’est lui qui l’a conduite au train, déposée sur le parking avant d’aller bosser à son tour. Elle doit avoir une quarantaine d’années, ni belle, ni moche. Une femme normale, quoi.” Elle se tourne vers Hazya et lui sourit. Un sourire fatigué, mais un sourire donné. Hazya lui sourit à son tour et se détourne, le nez à nouveau collé à la vitre, à regarder défiler la campagne et les champs à perte de vue. “Elle a les yeux bleus, elle n’aurait pas dû mettre un fard de la même couleur que ses yeux. Un brun doré, une couleur chaude pour relever l’éclat de son regard. J’aurai choisi cela, moi. Un brun doré, une couleur chaude pour réchauffer mes yeux.”

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  •   Ils étaient du café, ils étaient du bistrot
     Ils étaient étrangers, ils étaient sans drapeau
     Ils étaient de Paris, ils étaient de province
     Ils étaient cœurs de pluie qui font cœurs qui grincent
     Ils étaient pleins de vie, avaient l’œil du printemps
     Ils étaient cœurs qui rient quand le ciel est pleurant
     Ils étaient des promesses, ils étaient devenir
     Ils étaient bien trop jeunes oui pour devoir partir
     Ils étaient fils d’Orient ou fils de l’Occident

     Enfants du paradis, enfants du Bataclan
     

     
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  • Un prof m'a sauvé la vie : mon professeur de dessin, Pierre Pillot. J'étais en troisième, avec la chaise du dernier de la classe. On finit par me placer en "mécanique auto". Toute ma vie, j'allais donc me prendre de l'huile de vidange ! Et s'il y avait quelque chose dont je n'avais rien à faire, c'était bien la mécanique auto. Le lendemain j'arrive au collège et le prof en question voit que je fais la trogne. Je lui raconte le destin qu'on me réserve. Il me dit alors : "mais non, tu es bon en dessin, il faudrait que tu intègres une école spécialisée".

    Je ne savais même pas que ça existait, moi. Il m'explique qu'il est difficile d'y entrer, qu'il y a un concours avec cinq cents candidats pour cinquante places. Bon. "Il va falloir que tu bosses, mon gars, car tu n'as pour l'instant pas le niveau, me prévient-il. Tu devras prendre des cours du soir."Avec des parents modestes, je n'y songeais même pas. M. Pillot m'a alors lui-même donné des cours du soir. Et il m'a fait bosser. Bosser... Un beau jour, arrive une enveloppe "école de la rue Madame" dans ma boîte aux lettres. Je respire, j'ouvre, je déplie. Je vois toute une série de petits mots noirs et c'est alors que je remarque un coup de tampon "admis" ! J'étais sauvé. Ce jour-là, je me suis dit : "On arrête de déconner, je me mets au boulot !" Deux ou trois ans après, ce prof s'est suicidé. ça m'a collé un chagrin dont je suis toujours inguérissable. Il n'y a pas une semaine où je ne pense pas à lui.

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  • Évoquer l'albinisme , et à travers lui d'autres questions sociales, me permet de parler du Zimbabwe, ce pays en développement qui rencontre comme tant d'autres les problèmes de croissance que les nations européennes ont connus il y a des années de cela. Et pour incarner ces problèmes, j'aime parles des marginaux, de ceux qui ne répondent pas aux attentes de la société - et qui en sont d'autant plus fragiles. La littérature sert à cela selon moi : à expliquer la fragilité des êtres. A comprendre la solitude qui nous frappe tous Et réussir, ce faisant, à pointer ce qui nous relie, à traverser ces frontières que la société a créées pour nous séparer.

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  • De la favela de Benfica à la place de première danseuse au célèbre Dance Theater of Harlem à New York...

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