• Vous croyez quoi ? Qu’on va gagner un an en se baladant ? En se baquant dans des lagunes ? On va en chier comme jamais ! On sera des sacs d’eau moisis, à crever de froid, à dormir sur des tas de cailloux boulottés à la vague. Rien qui sèche, tout qui pue, on attendra le soleil comme on prie ! Et ça pleuvra sur tout, ça vous coulera dans le calbut, ça vous trouera votre cul chaud !

    Pendant trois mois ! Et vous n’oserez même plus chialer de peur de rajouter de la flotte à la flotte. Ça s’appelle la flaque de Lapsane, bande de traîne-chariots ! Et vous me parlez de confort ? La flaque, mon père m’en parlait quand j’avais trois putains d’années ! L’aqual, il me faisait ! Dans ma lignée, on connaît chaque putain d’arpent de cette putain de terre plate ! Personne ici n’a jamais nagé plus d’une heure d’affilée. On n’a pas de bras, on sait pas respirer dans l’eau et il faudrait encore traîner dans les vagues un radeau caffi de bijoux, de lettres à la con et de bouquins ?

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  • Que faire face à la carapace du silence, non celle de l’oubli, mais au contraire, d’une mémoire trop vive, trop présente ? Comment pouvoir transmettre, se souvenir quand on nous interdit l’accès à notre histoire familiale, si dure et innommable soit-elle ? Comment arriver à retisser ce lien pour se réapproprier ses racines ?

    Les parents pensent qu’il suffit de ne pas en parler pour que la douleur s’amenuise, pour que le cœur et l’esprit oublient et qu’on puisse enfin exister. Les enfants s’étourdissent dans des commémorations et des batailles nécessaires contre l’oubli et son travail de sape, au risque de se perdre et ne plus vivre dans cet ici-maintenant qui de toute façon, ne ferait plus sens, sans ce combat mené. Et les petits-enfants entre rien et tout, ne savent pas comment vivre avec, faire comprendre ou partager ce mal-être. 

    Aravni, Vram (qui se fait appeler Georges), Valérie (que l'on nomme Astrig) sont les 3 générations de l’étrangère qui, chacune à leur manière, vont devoir batailler avec cette horreur que la Turquie a de plus en plus de mal à faire passer pour une guerre civile, doublée d’une famine : le génocide arménien. Les faits historiques sont tenaces et n’ont que faire de la volonté des uns ou de la mémoire des autres. Ils ne disent, n’acquiescent ni ne nient : ils sont. 

    Le fait que les Turcs refusent jusqu'à aujourd'hui de reconnaître le génocide des Arméniens rend fou. Ce serait comme dire aux descendants des Juifs dans une Europe où les nazis auraient gagné la guerre : il ne s'est rien passé...

    L'étrangère - Valérie Toranian -


    Aravni a eu ce destin tragique des victimes de ce génocide ; entre chance inouïe et instinct de vie, elle s’en est sortie. Valérie Toranian, nous raconte là, autant l’histoire d’Aravni, que la sienne propre. Celle d’une gamine qui s’accroche aux jupons de sa Nani et s’empiffre de pâtisseries orientales, d’une adolescente qui, contre l’indifférence et le négationnisme, veut « savoir », pouvoir brandir cette vérité tue, puis d’une future maman qui, tel un scribe, cherche à lutter contre l’oubli en recueillant la parole avant qu’elle ne s’éteigne, avec au creux du ventre, un petit bout d’homme et d’Arménie…


    Il faut lire ce livre, cette danse incertaine à la recherche de la vérité, ce fil tendu à craquer de la parole désirée, entre Aravni qui ne peut dire et Valérie qui veut entendre pour consigner les faits, les inscrire dans l’histoire familiale pour pouvoir « tenir debout », génération après génération.

    Entre malice et réelle souffrance – palpable – Aravni lézarde, ruse face à Astrig entre compréhension et exaspération hantée par l’urgence de savoir avant qu’il ne soit trop tard.

    Et cet épilogue...

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     9 août 1994 

    C'est le mois d'août, le mois où mon fils est mort. Le voilà qui se penche au-dessus du lit. Il s'impatiente. C'est un petit prince, un pacha, un roitelet. Je me demande si je ne l'ai pas trop gâté.
    Il y a trois jours, je suis tombée. C'est mauvais, je sais que c'est mauvais. J'ai quatre-vingt-seize ans. Enfin, c'est ce qu'ils croient. Ce n'est pas vraiment ma date de naissance.
    (...)
    Vram réclame des bonbons. Je n'en ai pas, mon ange. Attends, je vais prendre la boîte en fer. Il y a des tire-bouchons dedans. Astrig et Armen les adorent. Je vais leur en donner aussi. Il faudrait juste que j'attrape la boîte.
     

    Sois patient, mon âme adorée, j'arrive.    

    ¤ ¤ ¤

    Valérie Toranian, C à vous :

     
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    4ième de couv :

    La narratrice retrace alternativement le destin d'Aravni, sa grand-mère qui a échappé de justesse au génocide arménien et qui ne s'est ouverte à sa petite-fille que peu de temps avant sa mort, à l'âge de 96 ans, et ses propres souvenirs d'enfance à ses côtés. Premier roman.

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  • La douleur porte un costume de plumes - Max Porter -On me parlait de mécanismes de défense et d'enfance normale et de temps. Beaucoup de gens disaient : "vous avez besoin de temps", alors que nous avions besoin de lessive, de shampooing anti-poux , de vignettes, de football, de piles, d'arcs, de flèches.
    On me parlait de charge de travail raisonnable et de période de guérison et d'obsessions saines. Beaucoup de gens disaient : "Vous avez besoin de temps", alors que j'avais besoin de Shakespeare, d'Ibn'Arabi, de Chostakovitch.

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    Lecture par l'auteur :

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  • Mazie, Sainte patronne des fauchés et des assoiffés - Jami Attenberg - On me demande souvent pourquoi je passe autant de temps dans la rue. La réponse est simple : parce que j'y ai grandi. C'est sale, mais c'est chez moi. Même les impasses les plus sordides du quartier me paraissent belles. Les clochards savent apprécier leur beauté, eux aussi. Ils tiennent à ces rues comme à la prunelle de leurs yeux.
         La poussière rougeâtre des trottoirs, la boue des parcs où ils passent la nuit se logent dans les plis de leur front et s'incrustent sous leurs ongles. Soleil, crasse, sueur et bibine mêlés. C'est sale. Très sale, même. Et alors ? Ce n'est que de la terre ! Si vous ne trouvez pas que la terre est belle, j'ai de la peine pour vous. Et si vous ne comprenez pas pourquoi ces rues sont uniques, c'est que vous n'avez rien à y faire. Rentrez chez vous et restez-y.

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  • Le charme discret de l'intestin : tout sur un organemal aimé - Giulia Enders -

    Aujourd'hui on ne développe presque plus de nouveaux médicaments, tout simplement parce que cette activité n'est pas assez lucrative pour les laboratoires pharmaceutiques.

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