•  Que ton cœur batte à nouveau

    Dans nos poitrines secouées de sanglots

    Pour nous réchauffer toutes les deux

     

    Que tes mains se posent encore

    Sur nos fronts fiévreux d'enfants

    Devenus grands depuis longtemps

     

    Que ta voix nous réveille comme avant

    Quand toutes engourdies de nos rêves de gosses

    Tu nous berçais pour effacer nos bosses

     

    Que tes bras ne nous abandonnent pas

    qu'ils enserrent pour toujours nos vies

    laissées en partance sur la voie

     

    Que tes yeux délavés qui coulaient pour un rien

    illuminent à jamais celle que tu rencontreras enfin

     pour la première fois là-bas tout près de toi Mama

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  •  

    On pourrait reprocher à la fin de l'homme rouge de n'être qu'un catalogue de témoignages.
    On pourrait reprocher à Svetlana Alexievitch son effacement, et sa non-interprétation des faits.
    Mais ce serait passer à côté du dessein de l'auteure : Donner la parole aux «sans-voix», recueillir les témoignages des hommes et des femmes qui ont vécu sous le régime soviétique, ont assisté à sa chute et vu l'émergence d'un capitalisme froid et sans limite.
    Recueillir la parole avant qu'elle s'éteigne, qu'elle ne soit plus audible, compréhensible. A charge aux historiens futurs d'en faire matière à interprétation.

     

    Une suite donc de témoignages qui donne à ce livre un rythme envoutant, jusqu'à l'écœurement parfois. On voudrait le laisser et il nous happe ! Partagée que nous sommes entre des sentiments contraires : Tout n'est qu'une question de point de vue. La Vérité, l'Unique, n'existe pas ! Il y a celle des "homo sovieticus" (victimes ou bourreaux, parfois même les deux), celle des nouvelles générations enivrées par le consumérisme (riches ou pauvres, élus ou exclus) et celle des réfractaires qui cultivent le souvenir d'un esprit soviétique. Mirage identitaire.

    Certains conflits sont proches de nous et encore actuels (les tensions au Caucase entre les différentes ethnies, la situation des émigrés qui ont fuit les conflits pour la Russie...), ce qui n'en rend ce livre que plus intéressant, poignant, voire même inquiétant.

    Une lecture dont on ne sort pas indemne, qui laisse le sentiment que l'histoire sera amenée à se répéter, si les gouvernements, sous couvert de la mondialisation, continuent d'ignorer ou d'orchestrer les crises identitaires des peuples.

    Une chose aussi frappe les esprits, c'est le sort des femmes et des enfants. Victimes tout autant du régime soviétique que les hommes, les femmes subissent de plein fouet la violence des hommes, portent souvent à bout de bras un mari, un père, un frère blessés, traumatisés par la guerre et les enfants qui, bien souvent, ne connaissent que la violence et la peur. Ce qui ne veut pas dire que l'amour n'est pas présent, au contraire, il est dans chaque témoignage, dans chaque aspiration, même dans les pires situations.

    Dans les cuisines soviétiques, on parle de violence, de faim, de mort, on boit à outrance, passionnément, désespérément, on rit et on pleure, mais on finit toujours par parler d'amour...

    ¤ ¤ ¤

     Entretien réalisé par Dominique Conil et Lorraine Kihl pour Mediapart :

    Svetlana Alexievitch , La fin de l'homme rouge (1) : "La grande masse des gens s'est réveillée un beau jour, dans un pays inconnu. Ils ne savaient pas comment y vivre ! (...) On ne savait rien de l'économie, du monde extérieur, On était juste là, dans nos cuisines, en train de lire."

     Svetlana Alexievitch (2): les femmes, la Biélorussie... : "A l'école, on lui avait demandé de lire l'Archipel du Goulag, elle avait ouvert le livre et avait trouvé que c'était un gros livre ennuyeux et c'est seulement plus tard, quand elle est sortie de prison, qu'elle a compris de quoi il parlait..."

    ¤ ¤ ¤

    La fin de l'homme rouge : Ou le temps du désenchantement - Svetlana Alexievitch -

    4ième de couv

     

    Depuis Les Cercueils de zinc et La Supplication, Svetlana Alexievitch est la seule à garder vivante la mémoire de cette tragédie qu’a été l’URSS, la seule à écrire la petite histoire d’une grande utopie. Mais elle est avant tout un écrivain, un grand écrivain. Pour ce magnifique requiem, elle invente une forme littéraire polyphonique singulière, qui fait résonner les voix de centaines de témoins brisés.

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  • Le royaume - Emmanuel Carrère -Dernière page de ce livre refermée, le premier pour moi d'Emmanuel Carrère. Au moment de livrer ma critique, je mesure le fait que je vais sûrement réitérer un avis partagé par bon nombre de lecteurs avant moi : L'érudition, le sérieux du travail de recherche qui sous-tendent tout l'ouvrage, ce côté autobiographique entre confession et provocation, l'honnêteté intellectuelle de l'auteur..., sa mise en avant de son vécu de chrétien qu'il assume comme une étape de sa vie qui l'a construit et mené à ce qu'il est aujourd'hui, à ce « Royaume » également que je tenais encore à l'instant dans mes mains.

     Si je ne devais pas redire toutes ces choses, je ne dirais que cela : Je ne me suis pas ennuyée une seconde dans la lecture de cet ouvrage. J'ai appris beaucoup de choses sans sentir le poids de l'érudition d'un auteur qui se mettrait dans la peau du professeur sensé nous faire la leçon. J'ai aimé avoir cette impression qu'Emmanuel Carrère me livre ses recherches, ses tâtonnements, ses doutes comme si j'assistais au développement de ce récit, à sa genèse. Il m'informe, comme en aparté, de ce qui est convenu et admis dans les milieux autorisés à le faire et de ce qui ne l'est pas car tout droit sorti de son imagination. L'imagination pour habiller l'ignorance des évènements, des sentiments, car la fiction est plus belle et souvent pas moins vraie que la réalité, parce qu'il aime à penser que les choses se soient déroulées ainsi.

     Certes le royaume est un phénomène littéraire (ce n'est pas moi qui le dit et personnellement c'est une étiquette qui me fait plus fuir que rappliquer) mais je l'ai lu avant tout comme une œuvre singulière, celle d'une conscience athée emprunte d'une si belle spiritualité.

    ¤ ¤ ¤

    Le royaume - Emmanuel Carrère -

    4ième de couv

     

    A un moment de ma vie, j'ai été chrétien. Cela a duré trois ans, c'est passé.

    Affaire classée alors? Il faut qu'elle ne le soit pas tout à fait pour que, vingt ans plus tard, j'aie éprouvé le besoin d'y revenir.

    Ces chemins du Nouveau Testament que j'ai autrefois parcourus en croyant, je les parcours aujourd'hui - en romancier? en historien?

    Disons en enquêteur.

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  • "Ce livre que j’achève là, je l’ai écrit de bonne foi, mais ce qu’il tente d’approcher est tellement plus grand que moi que cette bonne foi, je le sais, est dérisoire. Je l’ai écrit encombré de ce que je suis : un intelligent, un riche, un homme d’en haut : autant de handicaps pour entrer dans le Royaume. Quand même, j’ai essayé. Et ce que je me demande, au moment de le quitter, c’est s’il trahit le jeune homme que j’ai été, et le Seigneur auquel il a cru, ou s’il leur est resté, à sa façon, fidèle.

    Je ne sais pas."

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  • Nous nous attendons : Reconnaissance à Gérard Schlosser - Ariane Dreyfus -Ce recueil est né suite à une rencontre vertigineuse entre l'auteure et la peinture de Gérard Schlosser. Se définissant elle-même hermétique à cet art pictural, happée par le visuel de l'affiche, elle franchit la galerie et c'est la révélation. Renversée par l'éclat des « morceaux de monde » que ce peintre livre dans ses oeuvres, elle prend la plume se laissant guider par cet artiste qui croque avec force et discrétion nos instants de vie.

    Les poèmes en prose sont courts, ciselés, comme une esquisse que l'on ferait sans lever le pinceau de la toile. Il émane une sensualité, une mise en image de la sexualité, toute féminine. On suit l'auteure dans cet univers : On a cette impression qu'elle nous ouvre des portes, l'une après l'autre, et nous donne à voir, saisis dans l'instant, des morceaux de vie qui pourraient tout aussi bien être les nôtres -qui sont les nôtres-. Une intimité vécue qu'elle nous livre avec des mots simples mais qui font mouche, qui touchent.

    On est actif dans la lecture de ses poèmes, on ne subit pas, on participe. Dans « il est fou », on voit cette femme -la lettre- de dos tournée, qui semble figée : « Pour bouger elle attend de ne plus brûler ». Et c'est un monde qui s'ouvre, riche de sens, d'un-possible.

    Les chantiers de poèmes, en annexes, sont un vrai régal. Ariane Dreyfus nous livre les étapes de la création de deux de ses poèmes. On suit leur mise au monde : ses sources d'inspiration, le choix des mots, des sonorités, le difficile abandon d'une combinaison de mots qui fait sens au bénéfice d'une autre aux sonorités qui cristallisent l'imaginaire du lecteur.

    Et dire qu'elle considère (considérait ?) de tous les arts, la peinture comme celui étant le plus éloigné d'elle !

    « Reconnaissance à Gérard Schlosser».

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    "C'est aussi ça, la poésie ; c'est préserver ce qui est vivant et fragile..." : Cliquer là De la poésie avant toute image

    Nous nous attendons : Reconnaissance à Gérard Schlosser - Ariane Dreyfus -

     

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    Nous nous attendons : Reconnaissance à Gérard Schlosser - Ariane Dreyfus -

    4ième de couv

     

    Je suis devant un tableau de Gérard Schlosser. Si je tourne la tête, découvrant ta main posée sur le drap, ou mon propre bras levé dans la lumière, j'ai encore son regard dans les yeux. Le cadre n'enferme pas la vie, il la rapproche, la pense. Aujourd'hui est une réalité qui se partage. On s'y étire, on s'y replie, cela dépend des moments, de qui est là ou pas, à quoi on pense (oui, deux fois au moins, penser).
    Pour une fois je n'ai construit aucune demeure, je me suis contentée d'entrer là où nous sommes déjà. J'ai avancé au hasard sans craindre de me perdre : d'exister, rien n'est anodin. Et j'avais le regard du peintre, son art, pour m'inspirer confiance, amour.

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